Mystique Librairie

J’aime les livres, leur odeur, leurs secrets, mais depuis toujours les librairies m’impressionnent, m’intimident, jusqu’à me tétaniser. Elles renferment quelque chose qui se perd de nos jours : des passionnés, des connaissances par milliers, des choix souvent bien éloignés des supermarchés du livre.
La librairie n’a rien à voir avec une plate-forme bien connue de tous, pouvant contenir plusieurs milliers de personnes, et où on peut se balader incognito, anonyme, transparent. Les librairies sont petites, et se cacher derrière les rayons n’est pas forcément chose aisée. Les employés peuvent suivre des yeux leurs clients dès le seuil de la porte franchie. Ils savent lequel est expert, lequel est perdu, lequel cherche avidement après un ouvrage. Ils guettent, près à répondre présent dès que l’un d’entre eux fait appel à leur lumières.
Plus qu’une bibliothèque, où là aussi l’espace permet de se cacher, la librairie est un vrai lieu de connaissance. Vous n’achèterez pas les mêmes livres selon que vous vous rendez dans une librairie ou pas. Mon baptême du lieu m’avait fait acquérir le fantastique roman Une femme fuyant l’annonce de David Grossman. Roman dont je n’avais pas encore, à l’époque, vu la couverture lors de mes échappées hebdomadaires tardives à la Fnac.

La timidité peut-être, le manque de confiance en soi sûrement, font que je n’ose pas pénétrer dans ces lieux qui me semblent mystiques. Les connaissances des libraires me laissent sans voix lorsqu’ils réussissent à comprendre ce que l’on cherche malgré bredouillements et bouffées de chaleur. Ils sont capables de trouver le livre qui satisfera notre besoin quasi vital de lecture.
En effet, comment découvrir des écrits qui valent le coup, qui resteront inscrits de nos mémoires, sans s’en remettre à un libraire ? Il est certain que sans eux, nous serions tous cantonnés à lire des romans semblables. Les meilleurs seraient peut-être relégués à la position d’élites de la littérature. Les présentoirs mettraient en avant des auteurs plébiscités par les éditeurs car vendeurs et fédérateurs. Les jeunes écrivains auraient de moins en moins de chances de se faire repérer.
Aujourd’hui grâce à ces passionnés, le bouche-à-oreille permet très amplement de mettre en lumière certains romans cachés au fond des présentoirs des grandes enseignes.

Je suis cette fois ressortie avec Dans la grande nuit des temps d »Antonio Munoz Molinas, auteur espagnol très connu que je découvre, et Notre Dame du Nil de Scholastique Mukasonga. J’ai également fondu pour le Manifeste vagabond de Blanche De Richemont, que j’ai offert à une amie. Vous pourrez en lire une très jolie critique ici.

Les librairies sont en danger, et bientôt elles seront peut-être de simples souvenirs d’une vie passée. Pourtant, elles peuvent nous apporter tellement plus… Certaines de mes amies ont une relation privilégiée avec leur libraire. Elles peuvent débriefer avec lui de leur dernière lecture, se faire orienter vers d’autres, découvrir des choses qu’elles n’avaient pas vu une fois la dernière page tournée… C’est à mon avis, une relation exceptionnelle que tout amoureux des mots devrait avoir la chance de connaître…
A ma seconde entrée dans une librairie, différente de la première, je n’en suis pas encore là… Mais j’y aspire…