Les premiers épisodes ICI et ICI
Les corps sont alignés sur le port. Ils dorment. Sur leurs visages, on ne lit ni l’inquiétude de la mer qui envahit le navire, ni la peur de ne jamais revoir ceux qu’ils aiment.
– « Ils sont en paix maintenant, dit l’une.
– Ils dont bien là où ils sont, murmure une autre. »
Chacun se rattache à ce qu’il peut. La mer, elle, continue ses va et vient, comme si rien ne s’était passé. La mer, impassible, nargue les vivants. Chaque vague ramène des bouts de tissus, des morceaux de caoutchouc, des boîtes de conserve sur les galets limés. On se précipite alors dans l’espoir de retrouver un morceau de l’être aimé, un petit quelque chose que l’on disposera dans le salon, en guise de souvenir.
– « Mais que s’est-il passé ? »
Cette question est sur toutes les langues. Personne n’a de réponse, mais tout le monde se demande, tout le monde cherche une explication rationnelle. Chercher aide à ne pas penser. Chercher comble le vide soudain. Il faut penser, chercher. C’est indispensable de comprendre. Ca devient même vital, obsédant.
– « Ca ne peut pas être le bateau, je l’avais vérifié la veille.
– Les hommes étaient trop fatigués, je l’avais bien dit à Paul.
– Ils sont tous partis à contrecœur.
– Oui, ils pensaient que ce serait la dernière bonne pêche de la saison. »
Les langues se délient au fil des conversations, mais les sentiments restent bien au chaud dans le cœur de chacun. Certains aimeraient bien pouvoir accuser quelqu’un de ce grand malheur. Mais on sait que cela ne sert à rien. La peine ne disparaît pas avec la colère. C’est la mer contre laquelle il faudrait pouvoir hurler. C’est elle qui tue, comme ça, au hasard, pour le plaisir des larmes. C’est elle qu’il faudrait pouvoir saisir dans un corps à corps sanglant, une mise à mort brutale. Il n’y a qu’en l’affrontant que l’on peut peut-être défier la mort. Mais la mer est bien trop dangereuse pour que l’on ose la provoquer. Silencieuse, elle se laisse maudire sans dire un mot. Sa vengeance est implacable, pour qui ose s’aventurer trop loin. Les hommes le savent. Ils la regardent, tremblants et tristes. Ils la regardent et ne font rien.
à 10 h 35 min
Très jolie et triste histoire, très plaisante à lire. J’aime beaucoup le dernier paragraphe, oui c’est la mer tout ça…
à 10 h 28 min
Merci beaucoup Illyria. La mer est belle et terrible à la fois.
à 10 h 42 min
Superbement écrit !
à 10 h 29 min
Encore merci Marie.
à 14 h 11 min
Je reviens petit à petit sur les textes lus en diagonale un peu trop vite… C’est vraiment magnifique, et poignant !! Je suis souvent stupéfaite par l’immensité de l’eau, sa force, sa puissance et son pouvoir… Charmée alors qu’elle ne nous veut pas toujours du bien… Merci encore pour tes textes…