Tu arrives toujours sans prévenir quand je ne m’y attends pas. Tu surgis de nulle part, coup de tonnerre dans un ciel radieux ; coup de canon qui vient plomber ma journée. Au début, je n’en suis pas sûre. Est-ce un reflet ? Un effet d’optique ? Une lumière trop intense qui m’aurait éblouie ? Mais non : c’est bien toi. En un clin d’œil, je te reconnais. Un clin d’œil et tu t’installes sans y avoir été invitée. Le monde se brouille autour de moi. Les choses deviennent fugaces et insaisissables à ma vue. Je sais que j’ai deux cachets roses dans la paume de ma main. Je les avale sans les voir. De toute façon, ils ne font pas le poids contre toi. C’est une bataille perdue d’avance. La douleur viendra, c’est sûr. Elle s’insinuera mine de rien, très discrète d’abord. Puis elle se logera carrément dans la moitié de mon crâne et je ne serai plus qu’une loque.
Mais pour l’instant, je me sens bien. Je n’ai pas mal : je regarde l’étrange tableau cubiste en mouvement que tu m’offres à voir… Comme c’est drôle ! Et comme c’est fatigant ! Il vaut mieux s’allonger et fermer les yeux. Bientôt, tu feras du moindre mouvement une torture. Bientôt, ils me parleront et je ne les comprendrai pas. Les mots m’abandonneront. Ils se feront volatiles et changeants dans ma tête. Je ne parviendrai plus à les attraper, à les mettre en ordre. Faire une phrase… Est-ce que ce mot va bien là ? Ou là ? Et puis d’abord, est-ce que c’est bien ce mot-là ? Qu’est-ce qu’il veut dire, déjà ? Je ne sais plus ! Que c’est fatigant ! Dormir. Je ne veux plus m’entendre peiner à penser. Je veux oublier les mots qui me trahissent, la douleur qui s’inscrit dans ma tempe, les picotements qui se baladent dans ma bouche… Je te sens qui bourdonne dans ma tête. Bzzz… Je déteste la lettre Z. Bzzz… Vomir-movir-dormir… Je voudrais dormir. Vite, plonger dans l’oubli.
A mon réveil, je tâcherai comme d’habitude de reprendre le cours de ma vie là où tu l’as une fois de plus suspendu. Je ne m’agiterai pas. Je ne me pencherai surtout pas. J’éviterai les escaliers comme la peste. Je parlerai doucement. Surtout ne pas raviver le douloureux souvenir que tu m’auras laissé.
Sournois héritage reçu du fond des âges, ta visite impromptue n’a pas duré deux heures ; tu m’accableras pendant deux jours.
à 16 h 44 min
Un tres beau texte Marie qui decrit tres bien ce mal dont tu souffres j’imagine. Quelques fois mettre des mots sur la souffrance aide a l’accepter, sans pour autant la diminuer.
à 23 h 05 min
Merci Marie. Ça s’appelle la migraine ophtalmique ou migraine avec aura et c’est assez mal connu. J’avais envie de le décrire de l’intérieur.
à 23 h 52 min
C’est curieux mais grâce à toi, je peux mettre un nom sur cette migraine chronique qui m’est tombée dessus quand j’étais à la fac. Je crois que çà m’a duré un ou deux ans, mais ce sont exactement ces symptômes. Je n’en ai plus depuis plusieurs années… Mais je te soutiens dans ce combat contre ce mal intérieur qui peut être vraiment très pénible, surtout si elle se présente souvent à toi…
à 17 h 30 min
Merci, FleurDeMenthe.
Je dois dire qu’en réalité, je ne vis pas trop mal avec « aura ». Mais la méconnaissance à laquelle je suis systématiquement confrontée, et le grand vide que j’ai constaté sur la toile francophone à ce sujet m’ont donné envie de témoigner là-dessus (dans mon blog Hémicrânia). Je me dis que, peut-être, ma modeste expérience pourra servir à d’autres…