Je suis un atelier d’écriture depuis deux ans. Chaque semaine, le groupe se trouve confronté à un exercice simple ou complexe, sur le principe de la page blanche ou guidé par des consignes fixes. Quelque soit le sujet ou le modèle à suivre, on se retrouve tous confrontés à la révélation de nos écrits par la lecture à voix haute. Souvent, il est surprenant de constater la différence ressentie entre le moment de l’écrit et la concrétisation des mots par notre voix. Alors qu’ils se succèdent sous notre plume, à la lecture ils forment un tout, un dessin, révélant parfois une partie de nous-mêmes sans que nous ayons eu conscience.
C’est ainsi que notre voix se casse, révèle une émotion contenue quand devant nous apparaît une révélation. Le lâcher-prise nous conduit à laisser aller notre stylo sur la feuille, comme s’il ne nous appartenait plus vraiment. L’inspiration se saisit de notre main et laisse se découler l’inconscient. Des souvenirs oubliés, des points de vue refoulés, des bousculades de la vie ignorées, tous ces petits moments s’exposent à leur état brut. Cette part de nous, il ne faut pas brider la bride. Dans les écrivains en herbe qui participent à l’atelier, l’une d’entre eux se distingue sincèrement car elle n’assume aucun des mots qui noircissent sa feuille. Elle entrecoupe sa lecture par des critiques négatives, des bassesses qu’elle s’inflige à elle-même. Elle continue pourtant, comme si elle voulait continuer de cogner sa tête contre le mur qu’elle a dressé en elle jusqu’à ce qu’il s’effondre. Et parfois, la magie opère, elle est surprise et touchée par ses propres mots.
Cette faculté de bloquer le lâcher-prise se retrouve aussi, de manière bien plus flagrante au théâtre par la difficulté de rentrer dans un personnage. On dit toujours rentrer dans la peau du personnage comme si les comédiens n’étaient que de vulgaires automates bons à enfiler des costumes.
S’ils ne mettent pas leur sincérité, leurs expériences, leur personnalité au profit du personnage, alors peut-on vraiment dire qu’ils sont des acteurs ?
A l’écrit, c’est la même chose. Avec la même consigne, chacun d’entre nous part dans des directions différentes mettant sa vision, les images e son esprit, ses émotions au profit d’une histoire. Il faut écouter ces mots, quoiqu’ils révèlent. Qu’ils reflètent une part de nous-même ou une part que nous avons perçue chez les autres. Nos écrits nous contiennent : notre âme, l’image que nous renvoie le regard des autres, les coups reçus physiquement ou psychologiquement, les conséquences directes ou indirectes de la vie que nous parcourons comme un chemin de traverse…
Laissons-la s’écouler par l’encre de notre plume, et cessons de les juger. Libérons-nous des chaînes que nous attachons à nos chevilles. Plongeons dans l’univers de nos mots.
à 10 h 01 min
Cet article m’émeut, beaucoup.
J’ai écrit mon premier roman, je n’ai pas encore fini mon travail de relecture, mais je réalise combien j’ai pu passer à côté. Je ne me suis pas véritablement « lâchée ». Mais, je suis persuadée que c’est en continuant d’écrire que l’on devient meilleur. Je DOIS travailler sur ce lâcher prise que tu évoques. Je pense qu’il est nécessaire pour véhiculer des émotions fortes, puissantes. C’est mon plus grand « souci » dans l’écriture, le lâcher prise… Comme dans la vie. & encore, je sens bien que des choses se débloquent en moi, c’est plutôt bon signe !
à 10 h 14 min
C’est un travail qu’il ne faut jamais cesser de faire je pense. Sur une oeuvre aussi importante qu’un roman, il doit être bien difgicike de garder le cap. Je suis sure que tu reussiras… Mob prof dit toujours que pour un auteur, son écrit est toujours perfectible mais qu’à un moment il faut cesser de tout reprendre. .. mais tu n’en es pas encore là 😉
à 11 h 33 min
Très bel article. Je me sens aussi concernée car je suis en train d’écrire mon premier roman et il y a des choses que je ressens que je retrouve dans tes mots.
Le plus dur pour moi est souvent de trouver le mot juste, celui qui correspond profondément à ce que je souhaite exprimer et qui suscitera l’émotion chez le lecteur.
Ce lâcher-prise dont tu parles, fait écho parfois à ce qui m’arrive lorsque j’écris : donner de ma personne à travers les mots, que les phrases soient le reflet de ma pensée.
Pas toujours évident, mais cela se travaille… 😉
Bises
à 14 h 19 min
Je ne savais pas que toi aussi étais sur un projet de cette ampleur. Courageuses les filles !!
à 14 h 15 min
Je participe également depuis quelques mois à un atelier d’écriture et il a été très compliqué pour moi de lire mon travail la première fois et j’ai commencé également par me dénigrer mais à présent cela fait un bien énorme de partager et de se délester de certains mots 🙂
à 14 h 21 min
Oui j’ai connu ça aussi. D’ailleurs je transpire toujours aujourd’hui en lisant mon travail mais je me sens si bien après, comme après avoir descendu une piste noire en ski…
à 8 h 48 min
Un bel article qui me parle beaucoup – c’est ce « lâcher prise » qui m’a souvent manquer et j’ai trop souvent cru tenir quelque chose d’intéressant, à approfondir et j’ai laisser tomber en cours de route car je n’arrivais pas à véritablement trouver les mots justes.
L’atelier d’écriture auquel j’ai participé en Irlande m’a permis de me libérer, mais ce que j’arrive à faire en Anglais (qui n’est pourtant pas ma langue maternelle), je n’arrive toujours pas à le faire en Français – c’est comme ci les mots ne sonnaient pas juste.