Nath se regardait dans le miroir.
Comme à chaque fois qu’elle s’infligeait cela, le dégoût grandissait en elle au point de lui donner la nausée. Ce sentiment lui était devenu tellement familier qu’elle ne se souvenait plus de la première fois où elle l’avait ressenti.
Elle touchait son corps comme s’il appartenait à une autre. Ses mains glissaient le long de ses hanches charnues, évitant soigneusement les bourrelets formés par la graisse amassée sur son ventre. Elles s’arrêtaient comme paralysées face aux sillons creusées par les vergetures faisant du bas de son corps un champ de bataille. Elle aurait préféré y trouver de véritables cicatrices plutôt que ces traces indélébiles lui rappelant sans cesse qu’elle n’était pas la fille parfaite que ses parents voulaient.
Chaque soir et chaque matin, elle tentait de diminuer le temps où elle devait se confronter à ce corps qu’elle détestait tant, qu’elle voulait voir disparaître.
Loin de la soulager, le moment de le recouvrir de vêtements relevait du parcours du combattant. Trouvant toujours quelque chose à redire, elle était sa critique la plus sévère.
Et puis, il existait ces instants quasi miraculeux. Où comme une parenthèse enchantée, elle osait penser qu’elle n’était pas si mal que cela. Elle s’y accrochait, avait envie d’y croire. Malheureusement, il y avait toujours quelqu’un pour la ramener à la réalité.
Etait-ce dû à sa mère qui, malgré sa minceur évidente, était une obsédée de la balance ? Etait-ce dû à ses amies qui, complexées par leur taille 38, se faisaient vomir après chaque repas ? Etait-ce dû à son père qui, alors qu’il fréquentait une fille encore moins bien lotie qu’elle, se permettait de lui faire des remarques dès qu’une fourchette pleine de nourriture s’approchait de sa bouche ? Etait-ce dû au regard de ces inconnus qu’elle interprétait toujours comme du dégoût envers sa personne ?
Tout ce qu’elle savait, c’est que, dans ces moments-là, Nath aurait pu tout donner pour disparaître, pour devenir invisible. Elle ne voulait plus ressentir cette haine, cette aversion quand son reflet prenait forme sous ses yeux. Elle voulait s’aimer et se laisser aimer.
Le temps ne jouait pas en sa faveur. Le poids des années rendant chaque kilo superflu plus réel, plus indestructible.
Seule, face à elle-même, face à son écœurement, elle comprit que le choix n’était pas compliqué. Elle pouvait mettre un terme à tout cela dans la minute suivante. S’échapper pour de bon, anéantir cet ennemi qui la rongeait aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Avant de se lancer, elle se regarda une dernière fois dans le miroir. Contrairement à l’image qu’elle abhorrait depuis des années, elle vit un autre corps, celui qui d’habitude n’apparaissait que dans ses rêves les plus fous.
Alors elle comprit. A partir de maintenant, elle savait que cet adversaire qu’elle pensait imbattable, elle arriverait à en venir à bout. Pas demain, ni dans un mois, mais un jour. A force de volonté, elle se regardera dans le miroir, nue, sans peur. Oubliant le regard des autres, les remarques désobligeantes, elle s’acceptera, elle apprivoisera ce corps pour le faire à nouveau sien.
à 21 h 58 min
J’ai beaucoup aimé et j’ai trouvé les mots bien choisis.
Pas toujours facile de s’accepter comme on est !
à 22 h 08 min
Merci 🙂 Et oui, c’est loin d’être évident parfois…
à 21 h 25 min
Il est bien vrai ce texte <3