Elsa dans la vie. Elsa dans ma vie. Elsa, discrète et changeante. Elsa, impatiente et fidèle. Elsa, spirituelle et légère. J’aimais Elsa. J’aime Elsa.
Ce matin, Elsa n’est pas la. Le silence enveloppe la maison. Ce silence ne présage rien de bon. La maison est nette. Tout est à sa place. Une place pour chaque chose, c’est l’ordre qu’affectionne Elsa. Quant à moi, je n’y comprends rien.
La fenêtre du salon a du restée ouverte toute la nuit. Elle laisse passer un filet d’air frais. Je me dirige vers la chambre. Elle me regarde tristement, comme si elle avait un secret difficile à me confier. Seul le lit apparait vivant. Il est défait. Les draps sont chiffonnés. Tout autour n’est que désertion. Les placards sont vides. Tous les placards. Et les tiroirs aussi. La brosse à dents d’Elsa trône sur l’étagère de la salle de bain, trop solitaire pour avoir de la peine.
La réalité me saisit à la gorge et je reste la, stupéfait, hébété. Elsa est partie, sans un mot. La nuit l’a aspirée.
Je suis abattu. Je me mets à chercher frénétiquement des traces d’elle. Mais elle à tout effacé, telle une voleuse professionnelle.
Je pars pourtant en quête d’un message, d’un billet glissé sous l’oreiller, d’un reste d’elle, quelque part, pour me donner de la consistance et surtout ne pas m’écrouler. Il n’y a rien. Nulle part. Le néant me fait face. Un néant moralisateur et interrogateur.
Elsa s’est fait la malle, en silence.
C’est vrai qu’hier soir, nous nous sommes un peu disputés. Pour une broutille, bien entendu, comme souvent, comme la plupart des couples. Comme si être heureux était une tache trop compliquée pour nous.
Mais je réfléchis. Elle n’a pas pu partir pour une sombre histoire de fauteuil mal placé.
Je réfléchis au mariage, cette curieuse invention. On se jure fidélité, assistance et amour pour la vie. Un seul « oui » décide de tout ce qui suit. C’est grotesque. Un « oui », c’est tellement banal. Ou alors il faudrait se redire « oui » tous les jours, pour se remémorer l’importance et la force de ce que ce « oui » implique pour et dans nos vies. On se promet de la faire mais on ne le fait jamais.
Elsa aimait le mariage, son blanc immaculé, ses rubans, sa réalité aérienne. Je ne ressentais pas les choses de la même manière, et au final c’est peut-être cette évidente contradiction qui a eu raison de notre couple. Je ne sais pas. J’essaye juste de trouver une raison à son geste. Cela me rassurerait de savoir pourquoi.
Quand je l’ai connue, Elsa était d’une imprévisibilité maladive. Je n’avais eu de cesse que de dompter ce trait de caractère peu flatteur, qui n’allait pas du tout avec l’image que je me faisais de la femme que j’aimais. Elle avait fini par rendre les armes, en apparence seulement, puisque la réalité nue m’explosait en pleine figure aujourd’hui. C’est ce qui arrive avec les illusions que l’on se fabrique.
Peut-être qu’au fond elle n’avait attendu qu’un faux pas de moi pour plier bagage et vivre enfin la vie qu’elle voulait. Ou bien elle allait débarquer dans les minutes à venir, le sourire aux lèvres, heureuse de m’avoir fichu la frousse. J’étais bien incapable de trancher.
J’ai attendu quelques minutes, le nez fixé sur la porte d’entrée. Les minutes se sont transformées en heures. Et les heures en jours. Une semaine à attendre, seul, face à la porte close, un geste d’Elsa. J’ai fini par comprendre que j’allais devoir m’employer, pour le reste de ma vie, à désaimer Elsa.
Existe-t-il une revanche plus glaciale et meurtrière que celle ci ?
à 14 h 15 min
C’est drôle tes mots me parlent, hier j’ai échange avec l’une de mes amies au estartie ainsi un jour sans crier gare… Elle a déménage emmené canapé et objets un jour que son mari était au travail après tant d’années de mariage deux enfants adultes et à 60 ans le courage de le quitter… Et lui reste au bord du chemin toujours hébété quelques mois après, toujours dans le déni, avec l’espoir que peut être elle reviendra… Passer le reste de sa vie à désarmer…voilà un sacré programme je vais passer le lien à mon amie
à 15 h 29 min
Les hommes vivent souvent dans le deni, parce que trop souvent ils n’arrivent pas a se remettre en question. C’est la vie. Merci Catherine.
à 14 h 16 min
BiSous Marie
à 14 h 31 min
Une séparation, qu’elle soit houleuse ou conjointement décidée, est toujours une blessure. Mais lorsque l’un des partenaires se retrouve sans préavis ni explication devant le vide laissé par l’autre, le deuil de l’absence est très difficile à faire, parfois impossible. Très bien écrit ton texte ! Bisous
à 15 h 30 min
Merci Paulette. Un depart est toujours un defi, pour celui qui part et celui qui reste aussi.
à 14 h 32 min
Des mots superbes ! C’est vraiment très bien écrit, Marie. J’y étais, dans cette chambre. J’étais même dans le cœur de cet homme, c’est dire ! Bises
à 15 h 30 min
Alors c’est que j’ai rempli mon pari, Marie. Merci beaucoup.
à 19 h 19 min
Marie, ton texte me donne les frissons… J’ai l’impression de me retrouver devant cette porte à attendre qu’elle s’ouvre… Merci !
à 14 h 02 min
Alors c’est tres positif! Merci beaucoup Karine.
à 10 h 42 min
Quel beau texte. C’est tellement facile de s’identifier en te lisant. J’ai été celle qui est partie, tout en étant aussi celle qui devait apprendre à désaimer … La vie est tellement compliquée parfois … Bisous Marie, bon déménagement 🙂
à 13 h 42 min
J’ai voulu me mettre du cote de l’autre, pour avoir ete celle qui est partie.
La vie est compliquee et chaque destin a sa propre histoire et ses regrets aussi. Merci Malise.