Là, sur la plateforme du RER B, j’attends, scrutant du regard les deux amoureux enlacés. C’est mon péché mignon, regarder les couples se quitter, se dire au revoir pour quelques heures, peut-être plus, se dire adieu des fois. C’est très cliché une plateforme ou un quai de gare, mais je les envie parfois, moi un peu à l’étroit dans ma vie de célibataire, un peu trop souvent confrontée à moi même, à mes doutes de fille seule.
Les deux pieds sur la plateforme, je ne sens pas le sol, je plane quelque part entre mon espace et leurs deux corps en fusion. Ils se serrent, se boivent, parlent peu. Ils ne guettent même pas les minutes qu’il leur reste. Ils n’appartiennent pas au temps, qui lui s’est arrêté pour eux. Il me semble que le temps aime les amoureux.
Le RER approche et je sais que dans quelques minutes cet instant aura disparu de la surface de la terre, se sera perdu. Leurs mains dessinent des cercles, des images qui s’éclatent sur les murs gris de la station. En l’espace d’une seconde, ils ne sont plus un corps mais deux amoureux qui s’éloignent du présent.
Je voudrais détourner mon regard mais je ne le peux pas. Elle referme son manteau sur sa propre faiblesse, s’apprête à monter dans le RER, puis s’élance à son cou, un baiser fougueux au bord du cœur. Il la saisit au vol et je me plais à m’imaginer dans les bras de cet homme. Juste pour quelques secondes, pour ressentir à nouveau cette passion d’avant, me dire que je peux encore faire tomber les hommes, avoir quelques amants.
Le RER s’éloigne, son visage est collé à la vitre, son corps entier semble épouser la porte sale. Il ne la quitte pas des yeux, sa main tremble dans le vide. Il regarde autour de lui, la plateforme est presque vide. Il saisit sa valise, hésite, marche en direction de la sortie, ose un coup d’œil en arrière comme pour être sur qu’elle est bien partie. Son visage est fermé, mais sous ses yeux une larme tente de se frayer un passage. Trop tard, il la balaye d’un coup de manche, c’est vrai qu’on oublie souvent qu’un homme ça ne pleure pas.
Je le regarde se perdre dans les couloirs sans fin de la station et je me rends compte alors que je viens de manquer le deuxième RER B de la matinée. Il est 9h, je suis en retard comme d’habitude. Il va falloir trouver une autre excuse, regarder les amoureux se quitter, ça devient louche.
à 13 h 02 min
J’ai adoré lire ce texte !! J’avais commencé un brouillon avec uniquement un titre « les amoureux du RER », mais je n’ai jamais trouvé comment aborder ces amoureux intriguants que j’aime tant regarder, à la limite du voyeurisme dois-je dire…
à 14 h 24 min
Tres a la limite en effet…
Mais c’est souvent en cedant a ce penchant que je trouve mon inspiration.
Merci beaucoup pour ton compliment.