Aimer. Ce mot qu’il n’avait jamais côtoyé vint un jour perturber son quotidien. L’idéal portait un ravissant prénom : Elisa. Comme cette chanson de Gainsbourg qu’il fredonnait enfant. Le simple prénom de la jeune femme éveillant des envies dévorantes, il semblait évident qu’il ne ferait par la suite qu’une bouchée de son être.
Quand il l’aperçut, la première fois, dans sa petite robe noire, trop courte pour ne pas frissonner l’hiver, il baissa immédiatement les yeux. La timidité et la pudeur entouraient chacun de ses battements, si bruyants qu’il craignait qu’on les entende dans tout le café. Une seconde pour la regarder, une seconde pour vaciller. Pour trembler de peur, d’excitation, de gêne. C’est elle qui s’est avancée vers ces yeux rivés au sol, avec tout le courage d’une femme troublée. Innocente et spontanée, maladroite et rougissante. Toujours élégante. C’est cette image qui lui est apparu lorsqu’il a enfin osé la regarder, profondément dans ses yeux noisette. Depuis, ils ne se sont plus jamais séparés.
Les premiers jours de leur histoire furent bercés par une douce harmonie, celles des corps complémentaires.
Ils décidèrent de prendre le temps de s’apprivoiser, doucement, sans se brusquer. Sérieusement, posément. Mais, évidemment, ils n’en firent qu’à leur tête. Lucas n’y connaissait rien, à l’amour : il ne s’y était jamais vraiment intéressé. Il s’emmêlait parfois les pas, ce qui le rendait encore plus attendrissant aux yeux de sa belle. A l’évidence, il ne savait pas où il mettait les pieds.
Elle, rayonnait, telle une lumière étincelante qui faisait briller la rue, et se retourner les passants. Elle portait le sourire du bonheur, celui qui aveugle et qui éveille les interrogations. La tête haute, perchée sur ses jolis talons aiguilles, elle semblait défiler, figure épanouie de la jeunesse aux yeux cernés d’aujourd’hui.
Lucas la trouvait simplement belle. Il aimait sa démarche, la voir apparaitre au coin de la rue, et presser le pas pour pouvoir l’embrasser passionnément. Sans pudeur ni détours. Elle en était folle, elle voulait que tout le monde le sache, et puisse contempler leur merveilleux couple. Elle ne comprenait pas les rougissements de Lucas, gêné de ce torrent de sentiments déversés ur les pavés. Si généreusement. Presque du gâchis, avalé par la pluie. Elisa, virevoltant telle une danseuse insolente, refusait la demi-mesure. Avec elle, c’était tout, ou rien. Excentrique, elle ne se contentait jamais d’un simple vertige. Elle désirait l’évasion, l’abandon. Si peu soucieuse du regard des gens, elle ne laissait jamais personne s’interposer entre elle et ses envies.
Le regard de Lucas ne pouvait se détacher de ce petit tourbillon qui traversait les passants en leur offrant des sourires ravageurs. Elisa avait toujours souhaité éveiller les jalousies. Jamais, dans sa vie, elle n’en avait eu l’occasion. Jusqu’à ce moment. Elle n’allait certainement pas se priver de faire chavirer les pensées.
Elle pensait :
« Regardez, comme je suis heureuse. Je suis belle, puisqu’il me l’a dit. Admirez-moi, de marcher main dans la main avec l’amour partagé ! Jalousez-moi, de n’être jamais parvenu à le trouver ».
Les gens, selon Lucas, se disaient qu’elle était magnifique, amusante, doté d’un ravissant grain de folie. Mais, pour lui, elle était bien plus que ça. Elle était ce que l’on ne voyait pas. Ce qu’elle seule décidait de montrer, à qui en valait la peine. Fabriquant des artifices, des scènes créées de toutes pièces. Dans le but de faire naître une idée dévorante chez les personnes qui croisaient son chemin : celle de vouloir à tout prix être à sa place.
à 13 h 31 min
J’aime beaucoup la fin, qui donne la sensation que cette femme rayonne, vole, plane sur un nuage. Cette histoire de bonheur affiché, exacerbé, expressif que les gens trop gris ne peuvent pas connaître tant ils sont enfouis dans leur brouillard épais et lourd…
à 13 h 59 min
c’est très joliment écrit, comme toujours…merci beaucoup pour ce moment 😉
à 17 h 59 min
Très belle plume. J’aime beaucoup la description que tu fais d’Elisa, j’avais la sensation de la voir prendre vie devant moi durant la lecture de ton texte.