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Ce jour-là, à la fin du mois de septembre, en l’espace de dix minutes, quelque chose a basculé.
Ce quelque chose que je fuis de tout mon être, de toute mon âme m’entraîne à vouloir me perdre, à vouloir nier, refuser. Alors, je marche, m’arrête soudain, cours, suis un chemin d’un pas hésitant, quitte le chemin, saute par-dessus un fossé. Mes jambes me conduisent maintenant dans un pré où l’herbe haute, couverte de rosée matinale me glace les mollets.
Mon esprit est aussi confus et opaque que ce premier brouillard automnal qui m’enveloppe. Il me met à l’abri d’une vision trop nette, trop lumineuse de ce qui m’entoure et me permet de rester éloignée, coupée de ce que je refuse d’admettre.
J’avance ou, plutôt, j’erre dans ce coin de campagne qui m’est si familier mais qui, subitement, m’est devenu étranger. Tout m’est étranger, même moi, je ne me reconnais pas, où suis-je ? Où s’est envolé mon esprit ? Je suis juste certaine d’une chose, je fuis. Je fuis l’évidence de ce moment si pénible, si lourd.
Je ne veux pas prendre conscience et accepter ce qui m’est insoutenable et m’entraîne dans un violent vertige de souffrance morale. Je voudrais que le temps se fige ou, mieux encore, remonter le temps de quelques heures, d’un jour et retrouver l’insouciance tranquille d’avant, d’avant cet instant redouté.
Je m’effondre dans l’herbe humide, mes jambes m’abandonnent aussi, tout mon corps m’abandonne. La planète se serait-elle arrêtée de tourner ? Je ne sens plus aucun mouvement, aucun son, tout est en suspens.
Je suis là, allongée sur cette terre qui a été témoin de ma vie, de ma voix, de mes chants, de ma musique, de mes pas de danse, de ma joie et cette terre, comme une amie très intime, m’accompagne dans l’indicible douleur. J’ai soudain la conviction qu’elle a créé cettebrume si dense pour m’envelopper et me cacher du monde, m’offrir un peu de sérénité, de sécurité. J’en arrive à penser qu’elle me comprend et m’accompagne dans cette épreuve. Je lui demande de l’aide, je l’appelle au secours, la supplie de me donner le courage, la force de continuer à vivre.
Tout mon corps est tendu dans cette prière, mon esprit est en attente d’un miracle, d’une réponse rassurante.
Imperceptiblement, le brouillard devient plus léger, quelques rayons de soleil réussissent à le traverser et caressent mon corps engourdi et froid. Les larmes refoulées, rejetées, s’écoulent de mes yeux et rejoignent les gouttelettes de rosée. La terre pleure avec moi, j’aime cette pensée qui me permet de me sentir moins seule. J’autorise mon chagrin à s’exprimer sans retenue.
Soudain, j’entends une voix lointaine m’appeler, je ne la reconnais pas tout de suite et me redresse pour mieux écouter. C’est mon mari qui est à ma recherche alors je me relève, je me sens prête à le rejoindre, à braver mon destin.
-« Ma chérie, j’étais tellement inquiet, je t’ai cherchée partout », me dit-il d’une voix nerveuse en me serrant contre lui.
-« Pardonne moi, je ne pouvais pas agir autrement, je t’aime tant ».
Nous restons l’un contre l’autre, pleurant doucement, nous murmurant des mots doux et apaisants. Le soleil inonde maintenant la nature et nous réchauffe gentiment, il a chassé tout le brouillard.
-« Viens, rentrons maintenant »,ajoute-t-il en me prenant la main.
-« Attends, avant de rentrer, dis-moi ce que t’a expliqué le médecin des urgences. A présent, je suis capable de l’entendre mon amour».
-« C’est ce qu’on appelle la mort subite du nourrisson, notre bébé est parti dans son sommeil, il n’a pas souffert », m’annonce mon cher époux, après un instant d’hésitation.
A nouveau, nous nous prenons dans les bras pour nous prouver que notre amour, lui, n’est pas mort et faisons le chemin du retour vers notre petite maison, main dans la main, ensemble, pour faire face.
à 20 h 10 min
Très beau texte, je viens de voter pour toi 🙂
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Bonne chance et merci !
à 18 h 56 min
Merci pour ton message qui me va droit au coeur !
Sylvie
à 23 h 12 min
Je me suis laissé emporter par tes mots. Tu as conquis mon être entier.Merci d’avoir exprimé en des mots simples et forts des mots qui ont touché toute ma profonde sensibilité.
à 13 h 58 min
Un sujet difficile a aborder mais tu l’a tres bien fait, avec subtilite et douceur, melant tristesse et espoir.
à 19 h 03 min
Merci pour ta pensée sensible
Sylvie
à 14 h 22 min
c’est très beau, beaucoup de sensibilité et de pudeur
à 19 h 29 min
Merci pour ton joli message.
à 13 h 04 min
sylvie, g adore !
à 9 h 21 min
Merci beaucoup pour ton message !
à 17 h 09 min
je suis tres touchee par l’expression du ressenti, si bien exprime.
à 9 h 29 min
Merci pour ton gentil commentaire !
à 10 h 20 min
Merci pour ce moment d’émotion! On ressent toute la douleur et la détresse, le chaos intérieur résultant de l’insoutenable, l’inacceptable… Puis la vie et l’amour reprennent le dessus car la vie continue malgré tout…
à 11 h 43 min
Merci pour ces quelques mots, reflets exacts du sujet de ma nouvelle.
à 20 h 58 min
Quel talent ! qui ne se laisserait pas entraîné par ces écrits dignes d’un talent sans nom !!! Merci Sylvie
à 18 h 26 min
Merci infiniment pour ton message !!!
à 22 h 34 min
Que d’émotion… un écrit bouleversant qui nous plonge dans l’infinie douleur avant de trouver tout au fond la force quasi-surhumaine d’affronter l’intolérable à deux… Je n’ai pas pu retenir mes larmes. Bravo Sylvie!
à 12 h 07 min
Merci beaucoup pour tes appréciations très touchantes !!!
à 21 h 01 min
très beau
que d’émotions poignantes
nous partageons la douleur de cette jeune femme qui vit une perte épouvantable et l’image de ce jeune couple lié par la mort de l’enfant est bouleversante
Merci ,Sylvie